08/03/2010

L'Oeuvre Claire

Vers le deuxième classicisme (le mathème) et son achèvement.
Il est difficile de systématiser la pensée de Jacques Lacan, mais comme signale Jean-Claude Milner[1], un jour, il faudra faire  retour à Lacan comme Lacan lui-même aura dû faire retour à Freud. Cet auteur appelle second classicisme lacanien au résultat des « instabilités multipliées » du premier classicisme lacanien, à considérer à partir des années 1970 dans l’enseignement de Lacan. En prenant le premier classicisme pour origine, on peut cependant, signale Milner, déceler les déplacements, des suppressions et des adjonctions, dont la somme se révèle cohérente et dessine la configuration nouvelle. Un échec du galiléisme étendu après le premier classicisme dû à ses instabilités fera qu’une nouvelle face commence, dans le second classicisme, cela doit être reformulé.
Milner signale qu’en 1968, le structuralisme n’est déjà plus, les prémices du structuralisme pouvaient passer par l’émergence d’une figure nouvelle de science moderne
« ; l’émergence était une fausse émergence. Ajoutons qu’apparemment Lacan avait conclu des barricades que l’Histoire, décidément, n’existait pas (ou plus). De là un scepticisme, non pas à l’égard du moderne, mais à l’égard de ses lectures annalistiques. »[2]
Selon Milner , l’instabilité due à la contradiction entre Science idéale du structuralisme(issue de l’épistème grecque) et l’idéal de la science du doctrinal de science, qui rejette cet épistème, la lecture de Lacan de Koyré contre Popper,  et l’instabilité due aux insuffisances de précision qui marquent la notion de lettre sont les conséquences de la nouvelle face correspondant au second classicisme à partir des années 70.Le premier classicisme est constitutif du galiléisme étendu ; il permet de passer harmonieusement  de la mathématique aux sciences de la culture, et de là à la psychanalyse. Selon Milner, les notions de lettre et de signifiant s’obscurcissent mutuellement, ni le caractère signifiant ni le caractère littéral de la mathématique  ne sauraient recevoir de statut déterminé. Du même coup, écrit Milner, l’affirmation que la mathématique est une littéralisation n’est « ni clair ni distinct ».
Dans la mesure exacte où le doctrinal est à la fois épuré de l’historicisme  et dépouillé du galiléisme étendu, il n’a plus qu’un seul fondement :la littéralisation. Selon Milner une théorie autonome de la lettre est indispensable. Du coup , la lecture synonymique de l’axiome du sujet perdra son importance , serait-il restreint à une homonymie. « Le second classicisme peut s’autoriser de la désinvolture à l’égard de la philosophie ». [3]
Milner situe le second classicisme à partir de 1970, notamment dans l’Envers de la psychanalyse (S.XVII) et la formulation de la théorie des quatre discours, elle précède la théorie du mathème  que sera déployée à partir des années 1972, la théorie des quatre discours la rend possible. Nous voulons introduire , lié à ce point , ce que dans le Séminaire d’un Autre à l’autre  laisse élucider  l’objet a en tant que plus-de-jouir , une autre manière qui a Lacan de parler de a , et d’autre part  l’introduction du Savoir en tant que S2, qui introduit l’inconsistance de l’Autre. Dans ce séminaire, Lacan ne parle pas de la lettre, mais de l’objet a en tant que plus- de- jouir et commence à reparler du concept du Nom du père, depuis 63 le concept n’avait pas été évoqué.
En 1958 [4] , la formalisation du Nom- du- père se laisse décomposer en trois temps  et Lacan conçoit le Nom-du père comme « une sorte d’ épure de complexe d’Œdipe, d’extraction de son minerai précieux ». [5]
Le concept de Nom-du- père  a évolué dans l’œuvre de Lacan, n’ayant plus parlé depuis 1963, Lacan  recommence à en parler dans d’un Autre à l’autre, le séminaire remet en question un savoir qui se sait lui-même. Ce point sera très important dans la clinique, il permettra de mettre en question la place de l’analyste, l’amalgame entre savoir et sujet supposé savoir. On peut se demander pourquoi, pendant des années, ces questions ont été, et restent encore si confuses. Cela ouvre un autre problème sur lequel nous n’allons pas nous attarder dans aujourd’hui, un autre amalgame fait, entre la passe et la fin de l’analyse…


[1] J.C.Milner, L’œuvre claire, Paris, Seuil, 1995, p.7
[2] Ibidem, p.121
[3] Ibidem, p.122
[4] Dans le Séminaire ,  Les Formations de l’inconscient qui suit à  La relation d’objet , le Nom- du -père est directement lié à la mise en place de la Métaphore paternelle, le Nom- du- père vise à se situer dans la théorie de l’Œdipe selon Freud, en le prétendant  réduire  à ce qu’il y a de plus structurant et le Nom- du - père serait la clé pour Lacan d’une déconstruction  de la théorie freudienne.
[5] Erik Porge, Les noms du père chez Jacques Lacan, Ramonville Saint-Agne, Editions  érès, 2006, p.38.

1 commentaire:

Jean-Jacques Pinto a dit…

Si cela peut vous intéresser, j'ai mis en ligne sur mon blog un "auto-résumé" du livre de Milner ...

http://analogisub.over-blog.com/article-33727797.html

Je vous ai d'autre part dressé une demande pour être amis sur FaceBook.

Cordialement,

Jean-Jacques Pinto, psychanalyste, formateur et conférencier