15/05/2010

L comme Lacan

"Faites comme moi, mais ne m'imitez pas" Jacques Lacan
Lacan a reconnu deux inventions venant de lui :l’objet a puis le réel. C’est en 1966 que pour la première fois Lacan annonce qu’il a inventé l’objet a. Cette date correspond avec son séminaire Logique su fantasme et avec la parution des Écrits (1966, p.10), deux événements où il est question de l’objet a.
Dans D’un Autre à l’autre, il précise que cette invention est effet du discours analytique, «  L’objet petit a est effet du discours analytique  et, comme tel, ce que j’en dis n’est que cet effet même »[2].
En 1972, dans la Conférence à Louvain [3] :« Si un jour, j’ai inventé ce que c’était l’objet a, c’est que c’est écrit  dans Trauer und Melancholie » . Enfin, en 1974, il situe l’invention de a dans l’invention  du savoir, notamment suscitée par la rencontre  avec le réel du rapport sexuel dans Les non-dupes errent[4] ; Erik Porge signale  que Lacan apporte en outre une précision sur l’origine de a, le plaçant notamment au départ du graphe.
La lettre a a d’abord désigné l’autre imaginaire et l’objet spéculaire. Ce n’est qu’à partir du Désir et son interprétation (1958-1959), et en effet avec le graphe, qu’il change de valeur pour désigner  au contraire une catégorie d’objets non-spéculaires, appelée « objet de désir » ; Lacan limite à quatre les formes de l’objet a :sein, fèces, regard, voix.
Un tournant se produit à partir de Les formations de l’inconscient, a désigne toujours le semblable, l’autre imaginaire, mais il apparaît  une distinction, écrit Porge, entre l’imaginaire du miroir et un autre imaginaire, du fantasme. Cet imaginaire diffère de celui du miroir parce qu’il  est déjà pris dans une certaine fonction signifiante. L’« autre » peut aussi vouloir dire pour Lacan, l’autre métonymique, c’est-à-dire un autre marqué par le signifiant. Dans Le désir et son interprétation, l’objet a  acquiert son statut d’objet dans le fantasme à partir d’un double rapport à l’écriture, celle de la formule du fantasme et sa place dans le graphe·.
Dans L’identification (1962), Lacan jette les bases de la topologie de l’objet a, en particulier son caractère non-spéculaire ; Porge signale comment Lacan reprend au cours des séances du séminaire, Les Quatre concepts… (1964), le cas de Saint Augustin et la jalousie de l’enfant qui voit son frère téter le sein de sa mère , où Lacan parle de la mise en jeu de la fonction du regard comme objet a et du rôle qu’y remplit la peinture, notamment en ce que par son donner à voir, le tableau nourrit  l’œil, rassasie l’appétit, vorace du mauvais œil , l’invidia[5]
Dans le Séminaire Encore (1973), Lacan introduit une nouvelle interprétation du cas :la haine et la jouissance sont deux nouvelles coordonnées. Il fait une distinction entre une haine pure qui s’adresse à l’être et une haine jalouse, dont relèverait le cas d'Augustin. Celle-ci est mêlée de jouissance. Le néologisme « jalouissance » est un mélange  de la jalousie de la jouissance de l’autre et de la jouissance de sa jalousie.
En 1978, toujours concernant l’exemple d’Augustin, Lacan préfère la traduction « regard endeuillé » à la place de «  regard empoisonné » ; Erik Porge décrit de manière exhaustive le concept d’objet a, à partir de cet exemple de Saint Augustin, il signale comment chez  Lacan un moment de chiasme du sujet apparaît quand il s’agit  de saisir un moment décisif, originel et constitutif de ce sujet, comme quelque chose qui se dérobe à sa saisie. Lacan dira en 1978, sur le mot « endeuillé », qu’il se referme à un deuil et comme tel, un symptôme en fin de compte, ça s’envole, ça passe. Belle définition de l’objet a, à absolument le livre de Porge.



[1] Erik Porge, Jacques Lacan, un psychanalyste, Éditions Erès, 2006, p.173-252.
[2] Leçon du 27 novembre  1968.
[3] Le 13 octobre 1972, Quarto,1981, n°5.
[4] Leçon  du 9 avril  et 12 février 1974.
[5] Jacques Lacan , Les quatre concepts… P.65.

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